Désert de Gobi

Désert de Gobi

“Je suis née là, j’ai fait toute ma vie ici, et je compte bien mourir à cet endroit même !” dit en rigolant la dame chez qui nous sommes ce soir. Elle répondait à ma question : “Qu’est-ce qui fait qu’on reste vivre ici, loin de tout, sans rivière, sans arbre, dans des conditions difficiles ?”

Car, en toute logique d’occidentale, rien ne me prédisposerai à poser ma yourte ici. Nous avons roulé des heures durant, au cœur d’un paysage composé de cailloux, de sable parsemé de neige, avec comme horizon, la même chose, comme multiplié à l’infini. Nous apprécions cette étendue car nous savons qu’elle n’est pas notre vie. Nous y posons nos pieds pour une semaine. C’est nouveau alors c’est plaisant. Nous nous amusons de ces roches empilées, nous émerveillons de cet horizon, et acceptons le froid. Mais lorsque nous poussons la porte de chez ces gens, nous sommes projetés dans une vie quotidienne. La vaisselle est rangée dans les petits meubles, le thé attend au chaud dans le thermos d’être servi aux invités, le feu est allumé, la fille fait la cuisine, la maman tisse des cordes avec le crin des chevaux, le papa fume sa clope. Le chien, sur le pas de la porte, semble n’avoir pas bougé depuis longtemps, aboyant une ou deux fois pour le principe de protéger la maison.

Mon impression d’une vie difficile m’est confirmée quand mon regard suit les rides sur le visage de ce monsieur de bientôt 70 ans. Elles me racontent un peu sa vie. Aucune protection contre le soleil qui tape ou le vent qui glace. Sa vie est dehors, auprès du bétail. Aujourd’hui, ils sont trop âgés pour s’occuper des chameaux, chèvres, moutons, vaches et chevaux. Seul le chat est encore là chaque soir, posé sur les pieds de la dame, histoire de lui tenir chaud. Ce sont leurs enfants qui ont pris le relai, un peu plus loin. Ils en ont eu dix. La 7ème vit avec eux. Dix enfants ! Mais comment accouche-t-on ici ? Il arrive que la femme parte quelques semaines avant le terme pour aller accoucher en ville. Parfois, elle ne doit pas avoir le temps…

Photo de Lara

Leur fille de 27 ans tente ce soir de téléphoner avec son portable, mais ça ne capte pas… la télévision n’ont plus d’ailleurs, la parabole bouge trop à cause du vent. Mais ils ne sont pas coupés du monde car le téléphone satellite finit par sonner.
Comment grandit-on et nous épanouissons-nous ici ? Beaucoup de questions me viennent. J’ai envie de comprendre leur vie. De savoir s’ils sont heureux. Quels sont leurs plaisirs ?

De temps en temps le monde extérieur vient à eux. Des touristes de passage, comme nous. Est-ce qu’ils sont contents de ce genre de visite ? En tout cas ils sont très curieux à notre égard. Nous trouvent beaux. Sont interpellés par la grandeur de Lara. Ça lance la conversation d’ailleurs. Nous rigolons beaucoup avec eux. Nous comprenons nos humours respectifs, ce que je trouve incroyable étant donné nos vies et nos cultures si différentes !

Entre Lara et Vincent se trouve Nyamka, notre guide, et tout à droite Bold, notre chauffeur.

Chaque soir nous dormons dans une yourte, chez des éleveurs, parfois nomades, mais pas toujours. Certains sont bien installés, ayant monté des yourtes pour accueillir les touristes. Nous avons la chance d’être en basse saison, nous ne croiserons que deux allemands… Le désert est à nous !

Bloqués par la neige, Bold cherche un autre chemin. Photo de Lara

Bold, notre chauffeur, et Nyamka notre guide, parfois cherchent un peu la route mais ils savent où ils vont, se repérant probablement avec des petits buissons. Car pour nous le chemin est illisible. Mais apparemment c’est tout droit, et des fois tu tournes après la bosse.

Photo de Lara

Mais après chaque bosse nous allons être surpris de ce désert qui fait valdinguer tous les clichés qu’on en avait. On a tous grandi avec ce nom en tête “désert de Gobi”, sans savoir vraiment où il se trouve, et à quoi il ressemble, avec une seule image : les chameaux dans les dunes. Et ils y sont bien, ouf, Lara aurait été déçue ! Mais nous allons aussi découvrir des montagnes de roches comme empilées à la main dans un équilibre précaire, marcher sur la crête d’un canyon flamboyant, nous émerveiller devant des sommets enneigés, glisser sur une cascade de glace, grimper une gigantesque dune pour contempler le coucher du soleil.

Jour 1
Jour 2
Jour 3
Jour 4

Et puis un midi, on pique-nique et un homme arrive en moto pour venir dire bonjour. On ne comprend pas d’où il sort, ne voyant rien autour. Mais dans ce désert il y a la vie. Éparpillée un peu partout car il y a des puits, donc de l’eau, donc des hommes et des bêtes. C’est pour ça que nous pouvons passer une nuit aux pieds des dunes et des montagnes enneigées chez le couple le plus improbable de ce pays.

Nyamka nous avait prévenu, ils sont sa famille préférée de notre parcours. Ulzii est un petit homme de probablement 1m55. C’est lui qui fait la cuisine et nous accueille. Très chaleureux, il lance les discussions, posant pleins de questions sur nous. Un véritable échange. Sa femme arrivera plus tard, à la nuit tombée. Elle est grande pour une mongole. Pas loin d’1m75. Le lendemain nous monterons une yourte et c’est elle qui sera aux commandes, soulevant toute seule la lourde laine bouillie à mettre sur le toit ! (“Elle est costaude Simone ! Tu l’aurais vu abattre les pins à la hache !)
Elle fera la courte échelle à son mari, l’envoyant presque d’un coup sur le dessus de la yourte.

La yourte terminée !

Ils sont l’exception qui confirme la règle. Car nous avons plutôt constaté une certaine timidité chez les mongols. Eux sont tellement avenants et curieux que nous passons toute la soirée à discuter de notre vie, de notre expérience de woofing chez la famille de nomades. Elle trouve l’idée géniale et nous propose de venir l’année prochaine avec toute notre famille pour les aider. Nyamka passe la soirée à tout traduire dans les moindres détails, ce qui nous permet de tous rire ensemble. Le tout arrosé de vodka, on est en Mongolie quand même !

Maeva


  • Woah… On change totalement de planète. Je te rejoins dans tes questionnements Maeva : comment vivre au quotidien, dans cette éternité ? L’horizon semble aussi loin que lorsque l’on regarde la mer. Pas un arbre (rien que pour cela, je ne pourrais pas). Loin du bruit, de la foule, de la “civilisation” (çà, je pourrais un peu plus!!!). Ce pays incite à l’humilité, à l’essentiel, au respect. Les personnes rencontrées ont de visages qui expriment toute l’histoire de leur vie. Les paysages sont surprenants, changeants… Candide parmi les candides, je ne savais pas qu’il y avait des chameaux. Eux aussi sont magnifiques (sur une photo, il y en au qui sourit comme Vincent.. lol).
    Je pense que cette nouvelle expérience, très particulière, restera longtemps dans vos mémoires.