Sud Lipez et Salar d’Uyuni

Sud Lipez et Salar d’Uyuni

Fermez les yeux (oui je vous l’accorde, pour lire la suite de l’article ça ne va pas être simple). Mais fermez les yeux et laissez-vous transporter par les couleurs que je vais tenter de peindre dans ce récit. Car ce sont bien les couleurs qui marquent le fond de ma rétine lorsque je pense à ce que nous venons de vivre. Le tableau commence à Tupiza, notre point de chute avant notre excursion de quatre jours. Nous nous réveillons tôt et le ciel est déjà d’un bleu éclatant. La rivière est longée d’arbres vert tendre, les montagnes rouges encerclent la ville de ses bras protecteurs.
La veille, malgré les deux nuits précédentes passées dans le bus, nous n’avons pas résisté à une petite randonnée vers le canyon de l’Inca, histoire de faire circuler un peu le sang dans nos jambes. Tels des cow-boys sans chevaux, nous passons la porte du diable et arrivons dans un paysage de far west sauce bolivienne.

 

 

Noir. C’est la couleur du café que nous prenons face à el Valle de la Luna. Le vent et l’eau ont sculpté la montagne. Milton, notre guide et chauffeur, nous offre des tranches de pain fourré au fromage, confectionné par sa femme. Et c’est au soleil, face à cette première beauté, que nous sympathisons avec Jennifer et Lionel, deux suisses avec qui nous allons partager ces quatre jours. Le hasard nous a réuni dans cette voiture, on croise les doigts pour que ça se passe bien.

 

 

Et comme un rappel de la vallée de la lune, el Valle Encantado (la Vallée Enchantée) nous transporte dans ses tons de gris. Telles des bougies fondues, les roches sont plantées là, pour le plus grand bonheur de notre imagination qui y voit des personnages, une cathédrale, notre regard suivant les lignes jusqu’au ciel.

 

 

Nous passerons par un ancien village minier, abandonné aujourd’hui. Les hommes plongeaient sous la montagne pour en ressortir du plomb, du cuivre, de l’argent et de l’or. Un métier difficile et dangereux qui nous rappelle que les boliviens ont été les esclaves des espagnols dans ces mines. Celle de Potosi est toujours exploitée aujourd’hui. Les hommes n’y sont plus vraiment esclaves, mais quand on voit leurs conditions de travail et sa dangerosité, on peut se poser la question… La richesse des minéraux dans cette région nous permet donc de comprendre un peu mieux pourquoi les montagnes ont une telle variété de couleurs pastel.

 

 

La route est longue pour arriver à notre hébergement et n’oublions pas que nous sommes dans de hautes altitudes ; globalement toujours au-dessus de 4000m. Milton a la joue gonflée par la coca qu’il mâche toute la journée histoire de tenir sur ces longues routes caillouteuses. C’est dans la voiture que nous nous émerveillons ensemble de la beauté du coucher de soleil car nous n’en avons jamais vu de semblable. Un dégradé du violet au rose pâle, aquarelle sur laquelle repose un croissant de lune qui sourit… car, oui, elle n’est pas dans le même sens qu’en France.

 

Au grand bonheur de Vincent, le lendemain est sur le thème du rose car nos arrêts sont tachetés de flamands roses. Son maillot de bain est raccord avec le décor. Et ça tombe bien, on va l’utiliser car nous allons croiser des thermes d’eaux chaudes. Dans le coin il y a quelques geysers, dont le geyser de Sol de Mañana où il vaut mieux éviter de plonger.

 

 

Nous avons ensuite fait le tour des lagunes, qui ne sont pas propices à la baignade, mais plutôt à la contemplation. Et d’ailleurs Milton nous a laissé ce temps. Il nous a expliqué que pour que la Laguna Verde soit bien verte, il fallait attendre que le vent se lève… alors nous avons attendu. Et la magie a opéré. Elle est verte car il y a du cuivre, du magnésium mais aussi de l’arsenic. Nous n’avons vu aucun oiseau s’y brûler les pattes. On s’est d’ailleurs demandé si c’était l’instinct naturel, ou si un oiseau, un jour, y avait fondu, les autres se passant le mot… Cette lagune est dominée par le magnifique volcan Licancabur, 5916m, qui se partage en deux entre la Bolivie et le Chili.

 

 

Nous continuons notre arc en ciel en passant par le désert de Dali jusqu’à la Laguna Colorada… qui est rouge. Elle est rouge grâce aux algues de cette même couleur, aidant d’ailleurs à rosir les flamands. Et lorsque le vent se lève, elle devient orange. Le vent embarque alors le très léger borax, créant des nuages blancs au-dessus. Ce minéral peut être utilisé de la même manière que le bicarbonate de soude. Mais apparemment l’Union Européenne l’a classé toxique…
Le soir nous trouverons dans la tienda (le petit magasin) de la bière Huari (bière bolivienne) et du Kohlberg (vin bolivien) que nous dégusterons avec nos compagnons suisses… nous emportant dans des discussions enflammées jusqu’à ce qu’une voisine de chambrée vienne nous rappeler à l’ordre « Il est tard, on aimerait bien dormir. » « Oh pardon ! ». Et oui, on est toujours le con de quelqu’un ;-). On s’en fout, on a passé une super soirée !

 

 

Notre troisième jour démarre par un paysage complètement différent. Il y a « un peu » de végétation verte qui donne au paysage des allures pointillistes, quelques champs de quinoa, et de gros rochers rouges posés bizarrement au milieu de la plaine. Lionel et moi avons grimpé au plus haut évidemment, donnant des sueurs froides à notre guide qui, au loin, nous a vu. Nous avons croisé les lamas à la Laguna negra, et aussi un anaconda. Cette fois-ci, pas l’animal, c’est simplement le nom donné au canyon, et on comprend pourquoi quand on le voit serpenter dans le creux des à-pics.

 

 

Et comme notre petit groupe n’en a jamais assez, à peine arrivé à notre auberge de sel – oui, les murs sont en sel et nous marchons sur du très gros sel, mais logique, vu que nous venons d’arriver aux abords du Salar d’Uyuni – nous prenons parkas et lampes torches. Il y a au-dessus de nous, une montagne à 4000m. Son versant est fait de cailloux et d’immenses cactus. Ils grandissent d’un centimètre par an. Certains ont 400 ans. Mais surtout surtout, cette montagne domine le Salar. Alors nous grimpons tout là-haut pour voir l’immensité de ce désert de sel. Le soleil se couchant, le blanc devient bleu, puis orange, puis rose, puis sombre dans la nuit.
Milton nous racontera sa toute première excursion à mourir de rire, et puis son histoire d’amour avec sa femme. Et c’est en trinquant au chuflay, cocktail typique de Tupiza (Sprite / Singani / tranche de citron vert) que nous irons nous coucher.

3h45, aïe, j’ai mal. D’ailleurs j’ai mal au ventre. Vincent aussi. Jennifer aussi. Et en plus Jennifer à l’œil tout gonflé. Une bête semble l’avoir piquée dans la nuit. Malgré tout, nous sommes le premier groupe à partir, traversant dans le noir le désert de sel, en voyant une étoile très brillante se lever. Nous sommes donc les premiers sur l’Isla Incahuasi, une île au milieu du désert, faite de coraux (car avant c’était la mer), et de cactus géants. Après avoir payés une taxe (encore une) nous grimpons jusqu’au sommet pour voir le lever du soleil. La beauté impose le silence dans notre petit groupe. Et c’est émerveillé que nous voyons le Salar se réveiller. Le volcan change de couleur, passant du bleu, au violet. Le sel devient petit à petit blanc, et c’est à ce moment-là que nous réalisons la beauté et la grandiosité du lieu.

 

 

Nous terminons par une séance photo que tous les guides proposent. Au final on se sera bien amusé avec cette histoire, résumant bien la bonne entente dans notre groupe. Nous quittons Jennifer et Lionel avec un pincement sincère au cœur, et une invitation en Suisse à notre retour ! Il y a d’autres randonnées par là-bas à partager 😉

Maeva

 


  • Vraiment, je vous invite à faire un livre de voyage en rentrant. Il y a tellement de belles choses à partager et puis vous avez tout pour vous : la qualité des photos, la qualité de vos écrits.. C’est un régal. Ce livre pourrait s’appeler (simple suggestion) : avant de tout oublier..
    La présence d’arsenic, magnésium et cuivre est-elle naturelle ou est-ce encore l’impact de l’homme sur la nature ? En tout cas, cette région est extraordinaire. Quelles couleurs, quelles formes sculptées par l’érosion. C’est magnifique et en plus vous faites de belles rencontres. Je ne sais pas comment vous avez fait les photos avec vos amis suisses, mais c’est génial

    • Beau titre ! Merci pour la suggestion.

      La présence de tout ça est naturelle. Et oui, la terre regorge de ressources incongrues !
      Concernant les photos dans le salar, ça n’est pas très original dans le sens où tous les guides proposent un arrêt pour faire ce genre de photos. Si tu cherches des photos sur le salar d’Uyuni, tu en trouveras pleins du même genre. Comment on a fait ? En fait comme le sol est tout blanc, tu n’as aucun repère de distance. Et comme c’est très vaste, il suffit de s’éloigner très loin, comme ça tu donnes une notion de taille. Tu peux alors t’amuser avec !