Canyon de Colca

Canyon de Colca

On nous avait prévenu, l’entrée du canyon coûte 70 soles (18€), ce qui est excessivement cher pour le pays. Le gérant de la guest house d’Arequipa est un peu en colère car il trouve que c’est vraiment prendre les touristes pour des cons car cet argent ne profite pas à la population locale ni à l’entretien du canyon. L’argent part vers Chivay, le village le plus gros et touristique du bord du canyon. Il nous dit donc que si nous entrons dans le canyon avant 7h, ça nous évite de croiser le garde et donc de payer.
Contre la corruption, nous nous levons à l’aube et après un bon petit déj, nous contournant la place du village de Cabanaconde (au cas où le garde soit là) et filons vers le début de la rando. Pas de bol, une demoiselle au chapeau et veste « officiels » est déjà au rendez-vous. Nous sommes trop honnêtes pour courir alors nous voilà à faire les imbéciles : « Ah bon, il faut payer ? Mais pourquoi ? 70 soles c’est trop cher ! Tu nous fais un prix ? » Et sans hésiter une seconde, elle nous propose de payer le prix d’un latino américain plutôt que d’un européen (oui, il y a des tarifs différents en fonction de tes origines), soit 40 soles (10€). Mais comme elle est sympa, elle rajoute une « propina » à mettre dans sa poche. Tout ce comportement nous confirme bien qu’il n’y a rien de vraiment légal dans tout ça. Après cinq minutes où Vincent a tenté une négociation sévère, nous payons 95 soles pour deux (soit 15 soles dans sa poche). Nous signons le registre en tant que brésiliens, sans indiquer nos numéros de passeport… Et c’est un peu en colère que nous commençons notre descente vers le Rio Colca, 1300m plus bas.

 

 

Plus nos pieds glissent sur les cailloux,  plus nous retrouvons notre calme et le plaisir de regarder ce paysage aride. Nous arrivons à la rivière où de la fumée sort d’un trou. C’est un geyser. À cet endroit là, l’eau est très très chaude. Nous aurions bien fait un petit saut dans l’eau, mais des puces ont raison de nous. Nous continuons notre marche jusqu’au hameau de Llahuar où nous passons la nuit à la casa Virginia. Petit paradis au jardin foisonnant d’agrumes, Isaïs nous fait faire le tour, nous offrant de cueillir des mandarines. Ils ont aussi quelques poules, des canards et aussi des cuys. Ce sont des cochons d’inde. Ici c’est un met très réputé. Isaïs nous dit que parfois ils en mangent mais c’est aussi pour entretenir le jardin. Sur le pan de montagne au dessus, ils cultivent des figues de barbarie et des avocats. Après avoir mangé avec une vue splendide, Vincent fait une sieste pendant que je continue ma lecture très prenante de La force de l’âge, de Simone de Beauvoir.

 

 

Isais me donne un ticket qui nous permet d’aller en contrebas nous baigner dans les bains d’eaux chaudes qui appartiennent à l’autre endroit où tu peux dormir… Là où tous les randonneurs se trouvent. Serviettes au cou, nous allons nous prélasser dans une eau à 28 degrés puis nous passons au bassin à 39 degrés. Quelques personnes sont là. Nous sommes, par chance, en fin de saison touristique, donc peu nombreux. Il y a un couple de français qui étaient avec nous dans le bus. Nous papotons un peu. Un couple de canadiens, un américain et un groupe de 4 français joyeux lurons. La discussion se fait immédiatement. Et c’est dans une ambiance fort sympathique que nous commençons à cuire sérieusement. Nous finirons donc par refermer nos pores en nous jetant dans la rivière glacée. Nous quittons le groupe et remontons à notre petit paradis avec une bière pour le coucher du soleil.

 

 

Je suis réveillée au matin par un gros CLAC. Vincent vient de tuer de sa tong un scorpion rentré dans notre cabane. Après un super petit déj à notre table favorite, nous entamons notre ascension à travers un paysage plus bucolique que la veille. Nous traversons des champs d’avocatiers, pas encore mûrs pour que nous en cueillons. Quelques figuiers, des eucalyptus, des terrasses en pierres, l’espace d’un instant nous sommes en Provence par l’odeur. Passé le petit ruisseau, nous retrouvons les cailloux, un paysage désertique. Nous traversons le village de Bélen, où une dame va donner de l’herbe à ses poules, une autre en jean sort de chez elle, le téléphone coincé entre l’oreille et l’épaule. Une maîtresse d’école est en train de faire faire des exercices aux enfants sur le terrain de foot.

 

 

Plus loin nous arrivons à un mirador… avec son trou béant rempli de poubelles. Et oui, la corruption n’est pas une solution pour gérer les déchets.
Nous entamons notre dernière descente de la journée, pente très raide sur les cailloux, avec en vue l’oasis de Sangalle où nous nous posons pour la nuit. Une sublime cascade nous fait comprendre pourquoi ici l’herbe est épaisse et très verte. Il y a des papayers à foison, de superbes fleurs partout. Une piscine remplie par l’eau des sources chaudes nous tend les bras. Mais elle s’avère un peu froide tout de même car les sources sont plus loin. L’après midi se prolonge avec l’arrivée des randonneurs croisés la veille. Allongés sur l’herbe, les discussions reprennent. Alex fait un tour du monde, alors nous échangeons de nos expériences. Simon et Morgane, récemment expatriés à Montréal, accompagnent Alex sur ce pays. Étienne, charpentier de 24 ans, vivant à Saint-Barthélémy, fait son premier voyage. Il a les yeux pleins de rêves. Et puis nous finissons par dire bonne nuit et à demain à Morgane et Timothée qui font le même trajet que nous le lendemain.

 

 

Levés à 5h pour une ascension de 1300m pour retourner au village de Cabanaconde. Vincent file devant. Je trouve mon rythme. Je me sens en super forme. Les globules rouges créés par l’altitude semblent faire effet. Et pendant que je monte et que les rayons du soleil s’amusent avec les reliefs, je pense à tous ces échanges naturels qu’il y a eu avec ces gens inconnus. Le plaisir de nous retrouver sur l’étape d’après. Du bonheur parce que la rencontre est simple, et ne demande rien de plus qu’un partage à cet instant.

 

 

Dans le trajet de bus qui a suivi l’ascension, j’observais les péruviens. Le trajet dure une heure et demie à travers les montagnes. Certains étaient debout, collés. Vincent se lève pour laisser sa place à une dame avec un enfant. Et il me dit en rigolant « petit souvenir du métro parisien ». Oui mais non. Car tous les péruviens discutaient entre eux, rigolant dans tous les sens. Il y avait des sourires sur tous les visages. Et nous avons vécu cette ambiance chaleureuse à plusieurs reprises dans les collectivos. Je me demande alors pourquoi nous les français, ne sommes nous pas conviviaux comme ça dans notre quotidien. Ce qu’on a vécu dans le canyon prouve bien que nous en avons la capacité lorsque nous sommes dans des contextes particuliers. Alors qu’est-ce qui se passe ? Je sais qu’il m’est arrivé plus d’une fois dans le métro de me retenir d’engager une conversation, par timidité et par peur de déranger. Et vous ? Qu’en pensez-vous ?

Maeva

 


  • Quel est cet arbre que l’on voit à côté de ton linge en train de sécher et que l’on retrouve en photo à la fin ? C’est très joli.
    Trop fort TON Vincent qui tue (même si c’est pas bien de tuer) des vilaines bêbêtes pour pas qu’elles te piquent… C’est ton héros.
    Comme vous le voyez la corruption est partout et… la saleté aussi malheureusement!!. Il faudrait faire une étude sur le fonctionnement humain et sur le fait que l’homme ne peut pas voir un trou dans vouloir à tout prix le remplir de saletés (à prendre au premier degré, merci). Partout dans les montagnes autour de Nice, j’ai rencontré ce même phénomène : un beau paysage ; au détour d’un virage un trou et.. des immondices qui le remplissent. Peut-être la peur du vide ?
    Concernant ton questionnement Maeva sur le fait qu’on ne se parle pas dans notre société de manière spontanée. Je pense qu’il y a de nombreuses raisons. La première, selon moi, quand on parle du métro en particulier c’est que tout le monde semble abruti de fatigue et donc peu enclin à engager une conversation. Il y a aussi la peur de l’autre et de ce qu’il pourrait demander. Il y a aussi le désintérêt des uns vis à vis des autres. Et puis il ne faut pas oublier que demander à quelqu’un comment il va c’est prendre le risque de s’entendre dire « pas trop bien. Justement j’ai besoin d’en parler. ».. Et alors cela nous engage et l’engagement fait peur. Et puis chacun est pris par sa vie, ses inquiétudes, ses soucis, ses angoisses… Vous êtes dans un contexte différent, sans les contraintes subies du quotidien. Donc plus enclins à engager des conversations car sur une temporalité plus « light » que la notre, pauvres congés payés que nous sommes.