Vinicunca y Valle Rojo

Vinicunca y Valle Rojo

Ça aurait pu être une journée catastrophe. Déjà parce qu’elle commence avec un lever à 3h du matin. Vous voyez comment je suis le matin ? En plus il est impossible d’y aller sans une agence de tourisme car aucun collectivo ne va par là-bas. Tu subis donc l’organisation pour les touristes. Avantage : on vient te chercher aux pieds de ton hôtel, inconvénient : il y a un stop obligatoire après 2h de route pour prendre un petit déjeuner collectif. Vous voyez comment je suis le matin ? Par chance, notre petit groupe semble être comme moi le matin, du coup tout le monde a le nez plongé dans son infusion de coca. Mais bon, on l’a bien voulu, on a payé notre excursion. Par contre ils ont oublié de nous dire que le pipi n’est pas inclus dans le tarif. Tu payes donc 1 sole de plus pour aller dans les toilettes, aux portes quasi transparentes.

 

 

Tu repars pour 1h20 sur un chemin assez limite, où ton regard s’accroche aux pics des montagnes somptueuses et enneigées pour éviter de te perdre dans le vide à ta gauche et débuter une crise d’angoisse. Tu arrives enfin au point de départ. Comme tu as bu une infusion, tu retournes payer 1 sole pour faire pipi.
Mais au fait, que va-t-on faire ?
Une randonnée jusqu’à Vinicunca, connue par les touristes sous le nom de Rainbow Mountain. Nous avons choisi de faire une boucle en redescendant à travers la Vallée Rojo (la vallée rouge). Cette excursion est possible depuis quelques années seulement. Vous savez pourquoi ? Parce qu’avant il y avait de la neige. Et cette neige cachait l’incroyable magie de la montagne. Le réchauffement climatique a fait un gros travail de fonte des glaciers dans cette région.

D’ailleurs je fais une petite parenthèse écologique. Dans le précédent article, je vous ai parlé du volcan Misti, près d’Arequipa. Sur les bouteilles de la bière locale Arequipeña, qui existe depuis 1898, le volcan est dessiné avec de la neige sur son pic. Misti n’est plus habillé de blanc depuis un moment…

 

 

Revenons à nos 4600 mètres où Gribaldo, notre guide, fait un dernier point, et nous informe que dans son sac il a une bouteille d’oxygène et « des plantes naturelles ». Entendez de la coca, au cas où quelqu’un est le soroche, c’est-à-dire le mal des montagnes. Notre point culminant est à 5100 mètres. Il termine en nous précisant que nous sommes La Family Puma. Car à la Rainbow Mountain il y a beaucoup de monde (vous voyez comment je suis le matin ?) donc c’est notre code pour éviter de nous perdre.
Nous commençons notre ascension en perdant tout le groupe en moins de 20 mètres. Gribaldo nous montre donc le chemin et reste à l’arrière avec ceux qui ont le souffle très court. D’autres ne tentent même pas et montent sur un cheval. Nous sommes en bonne forme. Nous trouvons chacun notre rythme, calant notre respiration sur nos pas. Vincent est plus rapide que moi, je le vois disparaitre dans les nuages. L’ascension n’est pas extrêmement difficile mais elle se fait lentement étant donné le manque d’oxygène. Cela me laisse le temps de vous raconter pourquoi nous nous appelons La Family Puma.

 

 

Les incas croyaient aux trois mondes. Le monde d’en bas : Uku Pacha, celui de la terre, du serpent. Le monde d’en haut : Hanan Pacha, celui du ciel où se trouvent le soleil et la lune, celui du condor. Et le monde du milieu: Kay Pacha, celui dans lequel nous sommes, celui du puma. La chouette et le hibou étaient les seuls à pouvoir traverser ces mondes. Peut-être sommes-nous un peu chouette alors car ce sont les deux pieds sur terre mais la tête dans les nuages que nous arrivons à Vinicunca. Juste le temps de voir un dôme rayé de violet foncé, de violet clair et de blanc et d’apercevoir la vallée colorée en contrebas, que les nuages nous avalent entièrement. Petit à petit le sommet se remplit de monde, mais personne ne verra plus rien…

 

 

Comme c’est un lieu touristique, quelques péruviennes malignes sont montées avec des sodas et douceurs à vendre. Un homme, en habit traditionnel, est venu avec son lama décoré de pompons brillants aux oreilles. Il propose de poser sur les photos en échange de quelques soles. Comme ça n’a pas l’air de prendre vraiment, il jouera un air de flûte très improvisé. Avec deux autres français moqueurs, nous riions de l’absurdité de la situation.
Pour rappel, nous sommes à 5100 mètres d’altitude, il commence à faire vraiment froid, nous ne voyons rien. Nous sommes arrivés il y a 45 minutes mais nous devons attendre le reste du groupe. Vincent, qui teste pour la première fois une telle altitude commence à avoir mal à la tête, et moi je sens qu’il ne va pas falloir tarder à redescendre sinon je risque de donner une autre nourriture que de la paille au lama. Nous pressons un peu le guide car tout le groupe est réuni. Mais il nous propose d’attendre encore dix minutes car il est possible que cela se dégage. En dix minutes je peux donc vous raconter pourquoi les lamas s’appellent lamas.

 

 

Quand les espagnols sont arrivés au Pérou, ils n’avaient jamais vu avant cet étrange animal. Et comme ils n’arrivaient pas à retenir le nom, ils demandaient toujours « Comment ça s’appelle ? ». En espagnol : « ¿ Cómo se llama ? ». Les péruviens et leur humour ont fini par répondre « llama ». Et c’est resté ainsi !

Comme nous avons eu la chance de voir pendant 5 secondes la montagne colorée, le guide nous propose de continuer notre chemin. Le groupe Sexy Llamas et tous les autres touristes font un aller-retour. C’est donc seulement la Family Puma qui descend dans la Vallée Rojo. Et là, tout bascule ! Nous passons le col et les nuages fuient notre présence, nous offrant un spectacle époustouflant ! Une vallée à perte de vue, avec de la mousse verte (dont le nom m’est imprononçable mais ça se rapproche de « exprès »). Elle met en valeur le rouge de la terre. Sublime.

 

 

On fera même une pause pipi gratuite dans une super cabane !

 

 

Mais comme la haute montagne te rappelle toujours que c’est elle la plus forte, elle nous propose sur la dernière heure de marche, de nous verser des seaux de grêlons sur la tête, fouettant nos visages, et trempants nos pantalons. Nos cuisses sont gelées et il fait vraiment froid. C’est dur mais ça n’enlève en rien cette espèce d’euphorie que nous avons à traverser tant de beauté. Et après avoir croisé un troupeau d’alpagas, je vois mon Vincent, le pied droit glissant sur un sol un peu givré, faire un vol plané, la main comme réflexe de rattrapage. Je m’inquiète au cas où il se soit fait mal, mais ça seule question est « Est-ce que j’ai sali mon k-way ? Est-ce que j’ai sali mon pantalon ? » « Euh ben non. » Ça ne sera pas la même chose pour un camarade Puma qui s’est fait au moins cinq mètres de glissade et arrivera les deux mains, les deux genoux, les fesses, et sa parka suffisamment remplis de terre et d’ichu pour réaliser quelques briques d’adobe (torchis du coin) pour commencer sa maison.

Nous remontons dans le petit bus, trempés et frigorifiés, mais une bonne soupe de quinoa nous fait retrouver nos couleurs.
La journée n’a donc pas été catastrophique, bien au contraire. Nous avons traversé des paysages comme nous n’en avions jamais vu. Et Vincent est quasiment resté propre, nos chaussures rapportant tout de même quelques souvenirs.

 

 

Maeva


  • Oui on voit bien comment tu es le matin… Comme ta mère et comme ta sœur.. Tu aurais pu prendre un peu de ton père sur ce point.
    Quelles couleurs!!! A chaque photo que vous postez je reste ébloui par ces teintes que je ne soupçonnais pas exister. Vu votre paquetage vous devez être juste en terme de vêtements chauds.. Mais d’après vos commentaires vous avez la “couenne” solide et épaisse. Et puis avec tout ce que vous mangez vous avez dû faire un peu de gras pour vous protéger des frimas.
    Je dis bravo à Vincent, qui est digne de faire partie de la famille : tomber sans se salir, c’est une spécialité maison que l’on essaie désespérément d’exporter à travers le monde. Cela représente des années de pratique.
    5100m d’altitude. Le prochain défi est à combien : 6000 ? 7000 ? Après il va falloir attaquer l’Himalaya mais je ne pense pas que c’est prévu au programme.
    Merci en tout les cas pour toutes ces informations sur le Pérou, les Incas et les Lamas. c’est très instructif.
    Bisous