Quand ton rêve est ta réalité

Quand ton rêve est ta réalité

Quand je rêve de quelque chose, je fantasme la complexité des situations dans lesquelles je pourrais être si je le réalisais. Je me créé des doutes qui évidemment me freinent, voir m’empêchent de passer à l’action. Pour ce rêve de tour du monde, j’ai réussi à mettre de côté toutes ces interrogations en me disant que finalement ça se fera au jour le jour. Je ne pouvais pas m’imaginer la globalité d’une année. Maintenant que je suis dans la réalité de ce rêve, il est évident que les actions se font au fur et à mesure. Je ne visualise plus le voyage dans sa totalité, mais étape par étape. Je ne dirai pas au jour le jour, mais plutôt semaine par semaine. C’est beaucoup plus concret donc plus du tout effrayant.

 

 

Je me suis rendue compte à quel point nous sommes des caméléons. Pour un voyage comme celui-là, le corps et l’esprit développent des astuces pour comprendre et s’adapter à presque toutes les situations.
Parlons d’abord du matériel. Au départ, cela peut impressionner de mettre dans son sac à dos les essentiels. Parce qu’il faut déjà donner la définition de ses essentiels. Et puis après quelques mois, tu considères que porter trois jours le même tee-shirt n’est pas si dramatique. De toutes façons il n’a même plus de forme à force d’être lavé à la main. Tu es également très fier des astuces que tu trouves pour faire sécher ton linge.

 

 

En parlant de linge, vous ai-je fait l’éloge de mon écharpe ? Offerte par Michel avant mon départ, il n’a pas cru si bien faire ! Elle est ma copine de voyage, à tel point que nous sommes devenues inséparables.
En turban sur la tête pendant les randos, elle m’évite l’insolation et cache aussi mes cheveux sales. Dépliée, elle me protège des coups de soleil. Dans la voiture, coincée dans la fenêtre elle permettra de garder un semblant de fraîcheur. Calée sur mon épaule, elle fait tampon sur mon cou avec la ceinture coupante. À la plage, elle fait office de paréo, quand je lave mes vêtements elle joue à la robe, dans les bus elle fait pare-climatisation, dans l’avion elle sert de couverture, dans les dortoirs elle protège mes yeux de la lumière des maladroits. Dans la toile de tente elle m’évite les torticolis. Elle me permet de respirer moins mal dans les villes polluées et les volcans plein de souffre. Elle a tenté tout ce qu’elle a pu pour faire parapluie lors d’une averse aussi soudaine que phénoménale à Medellín.
Bref, mon écharpe pue mais je l’aime.

 

 

En cours de route j’ai développé des talents de couturière, non pas par passion mais par obligation. Car phénomène étrange, au 4ème mois, tes chaussettes t’abandonnent toutes dans une synchronisation parfaite, préférant le suicide collectif à base de trous béants, plutôt que de continuer à accompagner tes chaussures, elles-mêmes abandonnées par leurs crampons qui tirent des tronches pas possible. En même temps, nous ne pouvons pas leur en vouloir, ils ont testé à peu près tous les sols qui existent. Herbe, sable, terre, acide, lave, boue, cailloux, choux, hiboux, genoux jusqu’à l’eau salée. Oui, ma chaussure droite a tenté, au Gabon, une fugue par l’océan atlantique… Et plus récemment, elle s’est jetée d’un bon dans une rivière profonde de Colombie. Mais si elle croit que je vais la lâcher comme ça celle-la, elle se fout un lacet sous la semelle !

 

 

Sinon on continue à se brosser les dents, à se limer les ongles, d’ailleurs les miens n’ont jamais été aussi beaux. En revanche il faut accepter l’idée que ta crème de jour soit ta crème solaire et que ton parfum soit ton anti-moustique. En même temps ça sent bon la citronnelle, non ? Par contre si quelqu’un pouvait inventer un combo des deux, nous n’aurions plus à nous poser la question : l’anti-moustique ? Au-dessus ou en-dessous de la crème solaire ?

 

 

Parlons maintenant de l’aspect plus technique du voyage. Chaque pays à son langage, et donc son mode de déplacement. En Éthiopie c’était le mini-bus collectif. En Namibie et aux États-Unis on a loué une voiture. Montréal s’est faite en vélo. Au Maroc on a opté pour le train. Et je vous ai déjà parlé des taxis gabonais. En Colombie aussi on a affaire aux taxis. Ce sont de toutes petites voitures jaunes, avec un mini-coffre permettant d’avoir le sound système. Du coup, ton énorme sac à dos est sur tes genoux. Tu t’arranges à l’avance du prix avec le chauffeur. Sauf à Medellín et Pereira où ils ont un compteur, mais jamais la monnaie. À toi de l’avoir, sinon tant pis. À Medellín, chose très étonnante, si tu claques la porte, tu te fais engueuler. Je me suis faite avoir une fois. Depuis, j’ai développé une technique qui ne fait quasiment pas de bruit, comme ça je n’abime pas leur porte. On a même observé certains chauffeurs sortir leur bras par leur fenêtre pour fermer eux-mêmes la porte arrière. Contorsion de l’épaule, mais porte au top !

 

 

En Colombie, le réseau du bus est très développé. Même jusque dans les petits villages de montagne tu trouves des bus toutes les 30 minutes, tous les jours de la semaine. Alors nous sillonnons les routes, en bus… avec pleins de virages serrés. C’est physique. Mais contrairement aux éthiopiens, les colombiens n’ont pas de nausées.
Comme les trajets sont longs, une véritable organisation s’opère. Pleins de petits vendeurs montent dans le bus avant le départ pour te proposer de l’eau, des boissons gazeuses, des arepas, des bonbons, des gâteaux apéros. Les vendeurs les plus ingénieux ont un speech digne d’une publicité, te certifiant que c’est le meilleur chocolat dans la meilleure gaufrette du monde. Ils seraient presque convaincants ! Un jeune homme t’improvisera un rap inspiré de chaque voyageur et c’est talentueux !
Pendant le trajet, s’il y a un ralentissement, il y aura un vendeur. Sur un de nos trajets, nous avons traversé un tout petit village. Un jeune homme a fait signe au chauffeur qui a ralenti, sans s’arrêter. Le jeune homme est monté en route dans le bus avec un plateau où s’empilaient cinq variétés de magnifiques gâteaux fait maison. Et dans un équilibre précaire, il a vendu quelques douceurs. J’en ai pris un à base de goyave. Un délice !

 

 

Sur un autre trajet, alors que le bus ne s’était pas arrêté, un gars sorti de nulle part (ou bien du fond du bus) s’est mis à jouer de la guitare tout en alternant chant et flûte de pan. Nous ne soulignerons pas la qualité mais plutôt la sportivité, vu les virages.
Mais la situation la plus hallucinante ou la plus cocasse a été notre premier trajet. Une dame travaillant pour la compagnie de bus nous a fait un exposé sur le dépistage du cancer du colon. Schémas à l’appui. Elle a ensuite distribué à tout le monde, sauf à nous les gringos, une boîte de gélules « naturales » et une boîtes de vitamines « francés » dont le packaging nous était inconnu. Puis comme personne n’en a acheté, elle a repris toutes les boîtes et a ensuite pris le relai du conducteur.

Dans tous les cas, nous arrivons à nous adapter, à comprendre de plus en plus rapidement tous les petits stratagèmes et logiques du pays. Et ce qui est sûr, c’est que nous aimons vraiment la Colombie, mais on vous racontera pourquoi dans un prochain article 😉

Maeva

 

 


  • Quelle franche rigolade en lisant ton texte Maeva. Entre la couture, les astuces de séchage, la dégradation des vetements au fur et à mesure de votre périple (c’est là que l’on s’apercoit de ce que veut dire “société de consommation” : la vie des objets doit forcément rester limitée) et l’exposé exhaustif sur l’utilisation de l’écharpe de Michel (ce qui l’a mis en joie), on prend vraiment conscience de la définition des mots “essentiel” et “superflu”. J’ai l’impresion qu’au fur et à mesure de votre voyage vous grandissez au sens noble du terme. Quelle sagesse et quelle sérénité vous allez ramener avec vous… nous allons sembler bien petits devant tant d’expériences et de sagesse acquises… La photo de Vincent, le pied contre le mur est géniale.. et vraiment à l’image de nos représentations de la Colombie : on dirait un guetteur posté là pendant une transaction de cocaine à l’arrière de la rue… bonne route vers les champs de café.. j’ai hate de partager vos nouvelles expériences.

    • Merci pour ce message.
      Comme on apprend aussi à rester humble, on pourra avoir de longues discussions sur ce qu’on apprend. Car le partage est bien l’essentiel. En tout cas, une chose est sûre, je suis beaucoup plus calme !