« Je bois la Régab » – La culture gabonaise

« Je bois la Régab » – La culture gabonaise

« Fais comme chez toi, mais n’oublies pas que tu es chez moi » est peut-être la phrase la plus marquante de notre voyage au Gabon. Je suis curieuse de savoir comment vous allez l’interpréter en la lisant. En attendant, je vais vous raconter le contexte.

Nous rejoignons mon ami Christophen dans un maquis, le samedi après-midi, dans le quartier d’Okala. Il est avec des amis, dont Gilles, qui vit dans le coin. Nous trinquons à la Régab, et puis Gilles insiste pour que nous goûtions leur « booster ». Ce sont quatre cocktails différents, en bouteilles. Un incontournable ici. Nous faisons donc la dégustation, puis l’après-midi disparaît pour laisser place à la soirée. Gilles nous propose de partir vers un autre maquis. La note arrive et il paie tout. Nous insistons pour partager mais Gilles nous cite d’un ton sévère cette phrase : « Fais comme chez toi, mais n’oublies pas que tu es chez moi ». Et il nous explique : « ce qui veut dire que vous vous comportez comme chez vous, vous profitez, vous vous détendez, mais comme vous êtes dans mon quartier, vous êtes mes invités, alors c’est moi qui paie. C’est ça l’hospitalité à la gabonaise. » Et nous l’avions déjà vécu avec Christophen et Junior qui nous ont chouchouté à notre arrivée. Christophen s’est débattu pour nous trouver un appartement. Nous avons même était invité en boîte de nuit par Kévin, le beau-frère de Christophen « car il souhaite vous offrir verre. » Nous ne reverrons malheureusement pas Kévin, et le bruit de la boîte de nuit de nous a pas permis de vraiment discuter avec lui, mais ce sont des instants de générosité qui resteront dans notre mémoire.

 

 

Et grâce à cette hospitalité, nous avons pu découvrir une part importante de la culture gabonaise : la nourriture, la boisson et la corruption !
J’ai dit corruption ? Oui, et je ne me gène pas pour en parler parce que les gabonais non plus. Ils nous ont raconté quelques absurdités policières, et l’énervement qu’ils ont par rapport à leur gouvernement. Christophen nous a dit dès le premier jour « ne sortez pas sans vos papiers. » Au deuxième jour, on a compris pourquoi. Les contrôles sont partout dans la ville. Et Vincent en a fait les frais, car il a présenté sa carte d’identité et non pas son passeport. Christophen nous dit « ne cédez pas, on ne lui laisse pas d’argent. » Une longue discussion a alors commencé entre notre ami et le policier. Nous n’étions pas loin de la maison, Christophen a proposé d’aller chercher le passeport, mais le policier a dit « c’est trop tard, l’infraction a été consommée. » Voilà qui est dit. Le policier nous a alors écarté de la discussion pour un tête à tête avec Christophen qui finira par lui laisser « son coca », soit 1000 CFA. Il nous expliquera ensuite que ça a duré longtemps parce qu’il ne faut jamais lui proposer d’argent, sinon le policier hurlera qu’il n’est pas un corrompu. Il faut donc discuter, de tout, de rien, de la famille, jusqu’à ce qu’il se gratte la gorge car il a un peu soif… Et à ce moment-là tu lui offres son coca et tu peux partir… l’esprit vachement tranquille d’avoir participé à cette belle mascarade. En revanche pas de prévention concernant la conduite en état d’ivresse par exemple. Junior nous a dit « l’alcootest ici c’est l’accident. »

Voilà le quotidien d’un gabonais. Chacun à une histoire à raconter sur l’imagination des policiers. Béti nous racontera qu’il a eu une amende pour « conduite désinvolte ». Il conduisait le coude à la fenêtre. Kévin sera arrêté « pour usure du rond point ». Il a fait deux fois le tour pour trouver sa route. Vaut mieux en rire, mais la jeunesse gabonaise semble vraiment en colère. Et il y a de quoi. Cela fait 9 ans qu’ils attendent qu’une importante route soit finie. Il reste quatre petits kilomètres à goudronner… Sur le port, d’immenses pancartes sont plantées depuis 6 ans, vantant le magnifique complexe avec sa belle marina qui rendra Libreville plus moderne. La modélisation du plan est belle quoiqu’un peu délavée par le temps. Et derrière il y a juste un immense tas de sable avec de l’herbe en train de pousser, coupant la vue sur la mer.

En revanche le palais présidentiel brille de mille feux. Mais nous ne pourrons pas vous montrer la photo car nous nous sommes faits arrêter par des gardes armés qui nous ont obligé à la supprimer. Vincent avait encore frappé.

 

Pardon, je me suis égarée, je parlais de nourriture et de boisson.

 

Mon coup de coeur est le « paquet ». C’est une manière de cuire le poisson ou la viande. On y trouve du porc-épic, du poulet, ou encore du pangolin (une espèce censée être protégée…). Nous avons testé le poisson-chat, cuit à l’étouffée dans de l’aluminium avec de l’oseille, sur les braises. Un délice bien moelleux accompagné évidemment de manioc et de bananes plantains, la base ici.

 

 

Puis nous avons été à l’orée de la forêt pour déguster du vin de palme, (appelé « toutou » ou « poum ») fraîchement recueilli. Pour se faire, ils coupent le palmier dont le cœur va dégouliner de sa sève qui sera mise en bouteille goutte après goutte. Pendant la fermentation, qui est rapide, ils ajoutent du bois amer pour donner un peu plus de goût. Le palmier ainsi coupé, finira par accueillir des vers à soie qui seront à leur tour ramassés puis dégustés par les plus riches, car c’est un met délicat et rare, donc cher. Nous en avons trouvé au petit marché du bord de la route. Des biens beaux, bien gros, bien vivants, mais nous avons été petits joueurs, préférant tenter les atangas fumés. Ce sont de petits légumes allongés, violets, qui après une première cuisson, sont réduits en purée et mélangés à du piment puis fumés dans des feuilles de manioc.

 

 

Cuisiner les légumes que nous ne connaissons pas peut-être un vrai challenge. Christophen et Junior se sont bien moqués de moi quand j’ai tenté ma première cuisson des atangas. Je les ai tous coupés avant de les faire cuire. Erreur car il y a un noyau au milieu qui a une petite pellicule que l’on peut retirer seulement lorsque c’est bien cuit. Sinon quelques dépôts restent et c’est pénible à manger. J’ai mieux réussi les gombos et les petites aubergines blanches qui sont un délice. J’avais demandé conseil à une dame sur le marché.

 

 

Dans les plats travaillés, Vincent a eu un coup de cœur pour le poulet fumé à la sauce nyembwè qui est à base d’huile de palme. Et nous avons dégusté le célèbre poulet fumé sauce odika. C’est le chocolat indigène, issu de l’odika, l’arbre que vous avons croisé à l’arboretum.

 

 

La viande est très présente au Gabon, et notamment dans la cuisine de rue où on peut acheter à chaque heure de la journée ses repas. Le matin jusqu’à 9-10h on trouve les coupés coupés. Ce sont des morceaux de bœuf, petit déjeuner des gabonais. Plus tard dans la journée on mangera dans certains quartiers des brochettes, dans d’autres quartiers des « nikes ». Se sont des ailes de poulet épicés et cuites au barbecue. Leur nom est dû à la forme de l’aile, proche de la célèbre virgule. En bas de chez nous, une dame fait vers 18h des petits beignets nature ou à la banane. Il ne faut pas rater l’heure car c’est la cohue. Et tard dans la soirée, avant d’aller en boîte de nuit, on peut acheter le pain-poulet histoire de faire les « soubassements »  de notre estomac avant d’y mettre de l’alcool.

L’alcool c’est comme en France, un lien social. La bière nous a permis de rencontrer des gens, et notamment Nelly et Michelle qui tiennent « le Perchoir », un maquis de notre quartier devenu notre QG. Adorables, le premier jour, elles nous ont offert deux bières, alors on est revenu, et on a sympathisé.

 

 

Vous l’aurez compris, tout ça n’est pas très diététique, donc on tente de faire un peu de sport tous les matins, et Vincent en fait aussi beaucoup le soir.
Pendant que je suis dans le lit en train de lire, tranquille tu vois, y’a l’Perez qui saute partout avec son torchon pour tuer les moustiques. Il avait déjà un bon entrainement avec les mouches éthiopiennes, mais je dois dire que les moustiques gabonais lui donnent du fil à retordre ! Hier soir je pense qu’il a battu son record de meurtres avec pas loin de 25 femelles abattues sauvagement. Et je dis « sauvagement » car à ce stade mon homme se transforme en animal dont les paroles ne peuvent être écrites ici.

Maeva

 

Coupe du monde de foot oblige…


  • Cette fois, vous nous faites partager la vie gabonaise et c’est très instructif. Je retiendrai le t’es chez toi mais t »es chez moi » qui est une très belle image de l’hospitalité. EN vous lisant , je suis avec vous dans la cuisine, dans les maquis.. Encore plus avec Vincent quand il protège ma fille des moustiques (merci beaucoup). Quant à la corruption, vue d’ici elle prête à sourire et semble assez « folklorique », voire culturelle.. Même si je pense qu’elle est difficile à supporter au quotidien, vous avez vécu une nouvelle expérience… J’adore la dernière photo : bière et pizza… Celle-là en revanche, elle ne nous dépayse pas vraiment….