De Hpan-An à Inlé
Tout au long de notre voyage nous avons visité des lieux de culte. Allant d’église, en temple, car c’est une partie de la culture d’un pays. Au Myanmar, j’ai été heureuse de voir que dans un même quartier de Hpan-an, notre première étape, se côtoyer une mosquée, une église et un temple bouddhiste.
Ou est-ce que je me voile la face ? N’oublions pas qu’il y a toujours un conflit entre bouddhistes de Rakhine et musulmans Rohingya, obligeant ces derniers à fuir vers le Bangladesh.
Mais je m’égare. Je suis touriste, je ne vois que le beau. Et à chaque fois que je rentre dans ces enceintes, je cherche à y apprécier l’architecture, mais aussi la spiritualité inhérente. Mais je dois me faire une raison, je n’y arrive pas. Je ne suis pas en train de juger, je constate simplement que je ne trouve pas le reflet de l’amour dans l’image du christ crucifié. Je ne vois pas la sobriété dans les édifices couverts d’or, ni dans les téléphones portables tenus par les moines. Je ne trouve pas le vivre ensemble et l’acceptation de l’autre quand je lis dans le temple bouddhiste visité aujourd’hui « femmes interdites ».
Alors que j’y entre en paix, avec l’ouverture d’esprit me permettant de penser que chacun trouve sa spiritualité comme il le souhaite, je ne me sens pas respectée telle que je suis. Ni en tant que femme, ni en tant que non-croyante. Comment puis-je trouver la foi dans des lieux de culte où se trouvent des boîtes partout pour récolter de l’argent. Dieu serait-il devenu vénal qu’on lui file du fric, des bonbons, des canettes de coca ?
Et alors que j’entends les « cling cling » des pièces tombant dans les boîtes, je suis face à un jeune homme qui me regarde droit dans les yeux. Il a un bouquet de nénuphars dans les mains. Il s’apprête à le déposer en offrande. Et dans un élan de générosité, de sa bouille toute timide, il nous offre à Lara et à moi un nénuphar. Ce geste me touche au plus haut point, dans ce moment où je cherche l’ombre d’une quelconque spiritualité. Et là, tout se connecte…
Je réalise qu’au cours de ce voyage, j’ai eu des instants de plénitude, se rapprochant peut-être de la foi. Le premier déclic était au Japon. Alors que nous venions de passer une nuit dans un temple bouddhiste, et que nous avions assisté à la méditation de l’aube, ce moment de bonheur pur m’est arrivé lorsque je suis partie marcher seule dans la forêt de cèdres. Ces arbres centenaires m’ont parlé. Je me suis sentie happée par l’un d’eux. Pas le plus beau, pas le plus grand. Pourtant, sans comprendre, j’avais posé mon nez sur son tronc, sentant son écorce, l’humidité de la mousse, mes bras l’enlaçant, naturellement.
J’ai vécu un second moment similaire, ici au Myanmar. Nous avons passé une journée à nous promener dans des temples bouddhistes au cœur de la montagne. Nous marchions dans une de ces somptueuses grottes, je me suis éloignée des copains, farfouillant plus loin, au-delà du bruit des gens. La lumière était incroyable par moment. Je l’ai suivi, et je me suis retrouvée sur une roche plate qui offrait une ouverture incroyable sur le paysage extérieur. Je me suis assise pour contempler ce que la nature m’offrait. J’ai ensuite été chercher Vincent, Lara et Antoine pour partager avec eux cet instant. Ce qui m’a touché, c’est qu’eux aussi ont su comprendre ce moment. Eux aussi ont apprécié cet endroit. Ça complétait alors à merveille ce que je vivais. Car il est beau de pouvoir partager avec ceux qu’on aime.
Ce voyage met un point précis sur mes bonheurs : la nature et les moments de partage. Que ce soit avec Vincent, avec les amis qui nous ont rejoint, mais aussi avec les gens rencontrés.
Le dernier en date est avec Nangei et la famille chez qui nous avons dormi. Nous sommes partis avec cette guide pour deux jours de randonnée afin d’arriver à pied au lac Inlé. Comme beaucoup de birmans, elle avait peint son visage de thanaka. Elle nous explique que c’est avant tout esthétique. Et cela sert aussi à se protéger du soleil. Et c’est naturellement qu’elle nous propose de nous montrer comment faire et de nous en mettre.
C’est frais, ça sent bon, et c’est un joli moment de partage qui nous fait faire un petit pas de plus dans sa culture.
Voyant que nous étions dans ce genre de rapport, à la recherche d’une certaine authenticité, elle décide au dernier moment de changer le lieu où nous dormirions, pour notre plus grand bonheur. Nous arrivons aux pieds d’une maison traditionnelle, en bois sur pilotis, accueillis par le grand sourire du grand-père de la famille. Il nous sert la main tellement chaleureusement que je dois me retenir de ne pas le serrer dans mes bras. La grand-mère, de son sourire édenté, accroche une couverture pour nous faire un peu d’ombre. Le reste de la famille travaille autour. Un monsieur est assis par terre en train de confectionner des paniers. Deux femmes sont en train de faire des bouquets de fleurs fraîchement cueillies. Les fleurs seront vendues à la ville car nous sommes dans le mois du thingyan. C’est le premier mois du calendrier birman, basé sur le cycle de la lune. C’est donc le nouvel an, la fête de l’eau ! Et ils ne font pas les choses à moitié, d’autant que c’est un des rares moments où les rassemblements sont autorisés. C’est donc la folie partout. Tout le monde va se jeter de l’eau. Étant au courant, nous avons investis dans des pistolets.
Voyant quatre gamins du village débarquer avec leurs armes, Lara et moi sautons sur les nôtres, lançant une bataille contre finalement un seul des enfants, les autres étant mort de rire à côté.
Mais c’était mignon. Nous avons découvert comment ils fêtaient vraiment le nouvel an, lors d’une promenade en bateau sur le lac Inlé. Chaque bateau qui se croise va s’arroser un peu. Puis nous arrivons dans un premier village flottant, accueillis par des gamins avec des seaux d’eau. Nous ripostons avec nos petits pistolets qui fuient déjà ! Mais c’est au cœur du second village que nous allons comprendre. Il y a une armée de mômes qui t’attendent avec des lances à incendie. On ne peut pas y échapper, c’est la douche bien puissante, et autant vous dire que nos pistolets sont ridicules…
Une grande scène où passent les célèbres artistes du coin met l’ambiance. Tout le monde danse sur les bateaux. Nous sommes sur une piste flottante, qui coule à moitié quand tout le monde saute. Les gens s’arrosent dans tous les sens. C’est juste incroyable. Les birmans sont hyper heureux de partager cela avec nous. Nous sommes pris en photo dans tous les sens, un mec se retrouve envoyé par son copain pour danser à côté de moi, mais trop timide, ça ne durera que quelques secondes de rigolades. Une fille trop choupinette me fait des petits coucous, et finira par me coller sa petite fille à côté pour faire une photo. Lara et Antoine sont mitraillés eux aussi dans tous les sens. Bref, très amusant tout ça, très bon enfant. On s’est éclaté !
Et pour conclure tant de bonheur partagé, nous finissons sur la terrasse de l’hôtel, le soleil jouant un grand spectacle ce soir. Tous les quatre, avec un « rhum sour » , nous nous posons pour vivre ensemble cette belle conclusion de notre journée.
Maeva
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